« Hors les murs est pour moi le témoignage chorégraphique d’une aventure à la fois culturelle, pédagogique et humaine. En tant que danseur du Ballet de l’Opéra de Paris, j’ai la chance de danser les grands ballets classiques autant que les créations contemporaines. Avec la complicité de Cécile Thiel-Mourad, mon assistante, j’ai eu à cœur de transmettre mon expérience et de témoigner de la richesse du répertoire actuel en proposant une partition chorégraphique en trois parties. Comme un passage de l’ombre à la lumière, un dialogue sensible entre Bach et Pärt. Avec les 24 élèves d’une classe de 6° de Noisy-le-Sec, j’ai souhaité partager un espace commun où pourraient circuler les idées et les envies de chacun, dans le sillage des connaissances acquises au cours de l’année. Chaque séance débute par un protocole d’échauffement au sol, à la barre et au milieu ; s’ensuivent des ateliers d’improvisation dirigés visant à développer l’aisance dans l’espace, où chacun en appelle alors à sa propre créativité. Au fil des séances, nous avons cherché à découvrir avec les élèves un vocabulaire corporel partageable et nous avons fait le pari de ne pas contourner les difficultés, mais au contraire, de faire en sorte que les jeunes les apprivoisent, pour mieux s’en émanciper. Ainsi, il s’agit bien ici de mouvements écrits, d’une « choré-graphie », composée de solos, de duos et de mouvements d’ensemble.
De nombreux enjeux sont au cœur de cette démarche artistique, à la fois politique et sociale. En effet, à un âge où tout est en construction, comment amener des élèves de 6e à être pleinement acteurs du dialogue avec nous, intervenants ? Comment les conduire à prendre conscience de leur propre corps dans l’espace et à appréhender celui de l’autre ? Et comment savoir (parfois) lâcher prise pour mieux danser ensemble ? Autant de petites révolutions qui les entraînent à penser autrement à ce qui les entoure, à mettre en perspective leurs découvertes, et plus encore, à découvrir “ce qui les bouge”, comme le disait Pina Bausch, plutôt que comment bouger. Car il y a bien ici quelque chose de l’ordre du développement de soi, de l’élévation du corps et de l’esprit qui se joue à travers la pratique de la danse et dans les rencontres. Il faut toujours du courage pour jeter ainsi son corps dans la bataille. Mais que la danse est belle quand elle vient du cœur. J’aime à penser que si les élèves ne continuent pas à danser au terme de ce parcours, tous garderont de cette expérience unique une sensibilité particulière et une certaine connaissance de ce patrimoine artistique vivant. Avec la secrète ambition que certains pourront développer quelques-unes de ces “armes miraculeuses” évoquées par le poète Aimé Césaire, pour vivre leur vie, hors les murs. »