Musique: Jon Hopkins, Singularity
Chorégraphie: Sébastien Bertaud
Costumes: Maria Grazia Chiuri pour la Maison Dior.
17, 19, 20, 21 juillet 2019
Tour du col de Julier
Durée: 1 heure.
Avec: Nais Dubosq, Roxane Stojanov, Caroline Osmont
Mickael Lafon, Yannick Bittencourt, Gregory Dominiak
Pour cette nouvelle création à l’invitation du Festival Origen, j’ai à coeur d’explorer de nouveaux territoires artistiques, aux confins de l’univers de la danse classique dans lequel j’évolue artistiquement depuis l’enfance. Un des enjeux qui se pose en tant que chorégraphe issu du Ballet l’Opéra de Paris, est de savoir comment composer de nouvelles formes esthétiques, tout en s’inscrivant dans le savoir-faire de cette danse dite « classique », à l’élégance pourtant intemporelle.
Créer en danse classique aujourd’hui c’est innover, faire vivre un héritage culturel. Mon ambition : amener de nouveaux publics vers le ballet, l’inscrire dans notre époque, en poursuivant la tradition de collaboration qui unit la danse et les créateurs, des Ballets Russes à nos jours.
Et pour moi cela passe par des collaborations artistiques avec des créateurs de notre époque comme Maria Grazia Chiuri et Jon Hopkins, qui, chacun, à leur manière apportent des réponses artistiques personnelles et écrivent une histoire de l’art au présent.
Lorsque le Festival Origen m’a offert cette carte blanche pour investir le site exceptionnel de la tour du Col de Julier, cette utopie architecturale construite en haute montagne, j’ai eu envie de partir à la recherche des origines de la modernité. En me rendant sur place, j’ai été frappé par la puissance intemporelle de la nature environnante mais également par la stupéfiante modernité du lieu.
Cela m’a conduit à me replonger dans l’héritage artistique et conceptuel de Rudolf Von Laban, dont William Forsythe m’avait tant parlé lorsque j’ai suivi son enseignement dans le cadre de l’Académie chorégraphique de l’Opéra.
Comme un jeu de miroir à un siècle d’intervalle, j’ai eu envie de prendre comme point de départ de cette création le mythe de la communauté de Monte Verita, où s’installèrent dans la montagne au début du XXème siècle, sur les rives du lac Majeur, écrivains, peintres, penseurs, danseurs, chorégraphes… Dans une célébration naturaliste des corps, ils se retrouvaient pour créer, réfléchir, inventer des modes de vie à l’avant-garde de libertés nouvelles. Parmi eux, Rudolph Laban, précurseur et fondateur de la modernité en danse. Il est à l’origine de la méthode de notation du mouvement internationalement utilisée, et ses concepts chorégraphiques (comme la kinesphéèe) sont à la base des travaux de la plupart des chorégraphes contemporains.
Mais rattrapés par leur époque, le destin et l’ombre de la Seconde Guerre Mondiale, les membres fondateurs de la communauté de Monte Verita connurent un destin funeste et la belle utopie n’advint pas. C’est aussi cette dimension qui m’a intéressé, celle des espoirs, des mythes et leur collision avec la réalité. Avec l’envie d’explorer les fragiles frontières entre utopie et dystopie, ombre et lumière, chaos et plénitude.
Maria Grazia Chiuri, Directrice artistique de la Maison Dior, a accepté de réaliser une nouvelle création de costumes. Une collaboration qui s’inscrit dans le sillage de la création de « Nuit blanche » qui a vu le jour en mars dernier à l’Opéra de Rome, interprétée par Eleonora Abbagnato, Friedemann Vogel et les danseurs de l’Opéra de Rome.
Elle a choisi, cette fois, de s’intéresser aux théories de Charles Webster Leadbeater qui a tenté de démontrer les forces et les énergies invisibles émanant du corps humain. Il est notamment l’inventeur de la notion de «corps astral» – un corps qui rayonne des couleurs reflétant ses émotions et ses énergies uniques. A l’instar du médecin français Hippolyte Baraduc qui a cherché à illustrer les « forces vitales et les fluides énergétiques » qui apportent des émotions à la vie et aux corps en mouvement.
En écho aux pistes explorées par Maria Grazia Chiuri, j’ai travaillé avec les danseurs sur la notion de présence en scène, d’apparition et de disparition des mouvements, sur les flux d’énergie, les ruptures de rythme…
C’est cette culture visuelle ou le scientifique et le « magique » se rencontrent, créant un monde utopique, mêlant des éléments botaniques et des représentations humaines qui est à l’œuvre dans « Utopia ».
Les créations de Maria Grazia Chiuri magnifient les corps en mouvements des danseurs, en déployant un monde de symboles, de lignes et de points dessinés sur les corps. Enrichissant le mouvement d’un bras ou d’une jambe, en suivant les lignes d’énergie, les os, les muscles, les veines…
Cette cartographie, placée à la surface de la peau, révèle les forces biologiques et magiques en jeu dans les corps des danseurs. Des éléments floraux aux couleurs inattendues composent un jardin mystérieux. Les corps se confondent avec les plantes et les arbres : l’épine dorsale rappelle la symétrie des branches et les nervures des feuilles, prolongeant un mouvement, une sensation d’un danseur…
« Utopia » inaugure une nouvelle page dans mon travail de créateur, avec une esthétique résolument tournée vers l’avenir, dans un dialogue sensible avec l’extraordinaire créativité de Maria Grazia Chiuri et les sonorités futuristes de Jon Hopkins.
Ce spectacle bénéficie de la collaboration artistique exceptionnelle de la Maison Dior ainsi que de six merveilleux danseurs du ballet de l’Opéra de Paris. Je les remercie pour leur confiance et leur soutien dans cette nouvelle aventure créative.
Sébastien Bertaud
http://www.origen.ch/Utopia.1464.0.html